L'action humanitaire de Harald Pfeiffer fait face à l'Ebola.
La quinzaine et une valise pour seul bagage, Harald Pfeiffer suit sa mère, veuve d'un mari soldat décédé quelques années auparavant pendant la guerre. Son frère et ses deux grandes soeurs ont déjà quitté le domicile familial lorsque sa mère décide de quitter l'Est pour rejoindre Berlin-Ouest, là où réside sa grand-mère et où l'avenir semble être meilleur. L'adolescent, qui doit abandonner ses amis restés à l'Est, va y poursuivre ses études et y trouver l'amour. La vingtaine à peine, Harald et Karin, rencontrée au sein de l'Eglise adventiste, se disent oui. Cette traversée du rideau de fer sera suivie quelques années plus tard par un nouveau périple, pour des raisons professionnelles cette fois et avec la Suisse comme destination. A Berne d'abord où la famille débarque en 1967, pour enfin arriver à Gland où le physiothérapeute y exercera son métier à la clinique La Lignière jusqu'en 1988, peu avant la chute du Mur.
Le besoin d'ailleurs
Vingt années de service dans la clinique et deux enfants plus tard, Harald Pfeiffer sent le besoin d'une nouvelle expérience, qui prendra la forme d'une année sabbatique. Lorsqu'on lui propose un poste de physiothérapeute en Sierra Leone, le Vaudois d'adoption est quelque peu surpris. "Ce pays me paraissait être en Amérique du Sud, je n'avais aucune idée où il se trouvait", sourit le septuagénaire, installé dans le canapé de l'appartement familial à Gland. Après quelques hésitations - "qu'allais-je faire en Afrique?" - il s'envole finalement pour la Sierra Leone, où il travaillera dans un hôpital avec des lépreux. "J'ai rencontré une misère totale", raconte-t-il avec émotion. Après un séjour de cinq mois, une lettre lui annonce que La Lignière a besoin de lui. Lorsqu'un couple de physiothérapeutes hollandais propose de reprendre sa place en Afrique, Harald Pfeiffer revient en Suisse. Pour le plus grand bonheur de sa famille.
De retour à Gland, l'Allemand raconte son expérience à ses patients et parvient à récolter l'argent nécessaire à l'achat de médicaments pour Masanga, où ses anciens collègues africains sont dans le besoin. C'est le début de l'action humanitaire du couple Pfeiffer, "car dans l'humanitaire, il faut être deux et ma femme m'a toujours soutenu" tient-il à préciser. Plusieurs projets, sous l'égide de la "Swiss-Sierra Leone Development Foundation" créée en 1996 par les Pfeiffer, sont entrepris, tels que la scolarisation d'enfants pauvres. Puis la récolte de fonds pour la construction d'un hôpital à Magbenteh, inauguré en 2006. "Depuis 26 ans, j'ai dû me rendre 30 à 35 fois en Sierra Leone, dont à sept reprises en voiture pour les laisser sur place" , raconte celui qui a obtenu le passeport du pays africain qu'il porte dans son coeur. D'ailleurs, lorsqu'il évoque la Sierra Leone, ses yeux brillent. Pourtant, le pays, déjà marqué par une terrible guerre civile de 1991 à 2002, est actuellement frappé de plein fouet par le virus Ebola ( lire encadré ).
Situation alarmante
Le prochain voyage de Harald Pfeiffer dans "son" pays est prévu pour le 6 septembre. Le président sierra-léonais a décrété l'état d'urgence sanitaire dans le pays et a appelé les forces de sécurité à mettre en quarantaine les zones touchées. "Il est primordial de prendre des précautions, mais je n'ai pas peur de descendre là-bas et si l'avion décolle, alors moi aussi", annonce le Glandois. Lorsqu'il est l'heure d'évoquer la situation actuelle en Sierra Leone, la voix de notre interlocuteur devient tremblante. "J'ai eu au téléphone plusieurs de nos médecins sur place, c'est la panique et l'hôpital se vide car les gens n'osent plus y venir, de peur d'être contaminés confie Harald Pfeiffer. Une femme médecin de notre hôpital semble avoir les symptômes d'Ebola, nous prions pour elle", ajoute-t-il. Il a hérité la fibre humanitaire de sa mère "qui était toujours très accueillante et humaine" . Sa force, il "l'a trouvée dans la foi" . Les dettes et les soucis s'accumulent, les fonds sont toujours plus difficiles à trouver, "car il y a trop d'organisations humanitaires", mais pas question de se lamenter ou d'avoir des regrets. "Nous sommes bénis, alors c'est sensationnel de pouvoir faire quelque chose pour aider les autres." Et ceux-ci le lui rendent bien, "comme ce policier qui me fit signe de m'arrêter au bord de la route, pas pour m'arrêter mais pour me remercier d'avoir financé son éducation". De quoi lui redonner le sourire et l'espoir.
Plus de renseignements et dons:
Swiss-Sierra Leone Development Foundation, tél. 022 364 27 93. karin.pfeiffer@ssldf.com
www.ssldf.com
SYLVAIN BOLT