Jean-Pierre Mérot milite contre l'interdiction des chauffages électriques avec autant d'énergie qu'il gravit les cols à vélo. Une course de l'existence, à fond de train en permanence.
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De l'extérieur, la maison située dans un quartier paisible de Gland semble plongée dans la torpeur. A peine retentit la sonnette que surgit notre interlocuteur. D'une poignée de main vive, le récent septuagénaire invite à entrer. Le café tout juste servi, sans qu'il soit possible de glisser un "merci", Jean-Pierre Mérot se livre tout de go: "Je suis un prosélyte. Quand je crois à quelque chose, je vais jusqu'au bout." Ainsi, évoque-t-il la lutte qu'il mène contre l'interdiction des chauffages électriques voulue par le Canton. La problématique est plus que jamais d'actualité, une commission du Grand Conseil se réunissant le 13 juin pour examiner une initiative du député écologiste lausannois Jean-Yves Pidoux allant dans ce sens.
Combattre plutôt que débattre
Il suffit de le brancher sur le sujet et notre hôte devient intarissable. De la création de son association "Choc électrique", pour revendiquer une baisse de la facture d'électricité au niveau local, au "coming out", comme il le nomme, qui l'a érigé en porte-étendard des propriétaires de chauffage électrique à l'échelle cantonale, il raconte l'histoire de son engagement sans coupure de courant. Ses adversaires politiques parleraient plutôt d'acharnement d'un homme privilégiant le combat au débat; Jean-Yves Pidoux ose le décrire comme "bavard et péremptoire" . Jean-Pierre Mérot reconnaît qu'il peut se montrer véhément et envahissant. "Je suis comme le gaz, je prends autant de place que l'on m'en laisse." Mais ne lui demandez pas d'échanger des arguments poliment avant de trinquer avec ses opposants, il a horreur de la tiédeur. Il préfère les discussions qui font des étincelles. "Je ne suis pas têtu, mais tenace" , se défend-il. Un caractère bien trempé, qu'il attribue à ses origines; il est né dans cette Bretagne où l'on grandit face au vent. "Je vivais avec mes parents, mon frère et ma soeur à 4,5 kilomètres du village le plus proche dans une ferme sans électricité! A cinq ans et demi, j'ai été placé dans un internat tenu par des religieux." S'il déplore une forme d'endoctrinement, il rend grâce à cette éducation qui lui a permis de développer le goût de la littérature et des arts qui ne l'a plus jamais quitté depuis.
Ce sont précisément les livres et l'attrait d'une vie meilleure qui l'ont poussé à venir vivre en Suisse en 1969, en travaillant comme gestionnaire financier aux Editions Rencontre, basées à Lausanne. Cet amour pour la littérature est d'ailleurs omniprésent dans sa maison de Gland. Sur les rayons de ses différentes bibliothèques, les grands classiques côtoient les ouvrages sur le sport.
L'histoire du sport le fascine autant que sa pratique. La pile électrique qu'est Jean-Pierre Mérot se transforme alors en dynamo: celle du vélo, qu'il enfourche presque quotidiennement, le cyclisme étant depuis longtemps une religion. "Encore que je sois de plus en plus pratiquant et de moins en moins croyant" , précise-t-il en référence aux affaires de dopage qui ont entaché la discipline.
Une épouse autant adversaire que complice
En compétiteur acharné qu'il est, il y a chez lui cette détermination à vouloir gagner à tout prix chaque étape de sa vie. Un problème, lorsque l'on partage ses journées avec une femme survoltée qui vous dépasse dans les montées, à vélo comme à pied. "Quand elle a commencé à me battre, je me cherchais des excuses, avant de reconnaître sa supériorité technique. Je me plais à dire que mon nom figure au palmarès de Sierre-Zinal (ndlr: Annick Mérot, son épouse, remporte la course à 42 ans) , mais précédé du prénom de ma femme" , lance-t-il l'air bravache. Une manière de dissimuler un côté mauvais perdant qu'il avoue fugacement.
Mais point d'électricité dans l'air entre ces deux-là; il dit volontiers d'elle et de leurs trois enfants qu'ils sont sa plus grande fierté. Nés la même année et voisins dès leur plus jeune âge, les époux Mérot ne se quittent plus depuis leur tendre enfance.
Ils partagent donc tout: les avis, comme les amis. Ces amis que Monsieur a rencontrés à travers le sport, un ciment social vital pour lui. "Les êtres humains sont faits pour échanger, partager et s'aider mutuellement" , prêche Jean-Pierre Mérot. Un credo qu'il a incarné du plus profond de sa chair, puisqu'il a récemment fait don d'un rein à l'un de ses copains. Il aime les gens et ceux-ci le lui rendent bien. Il se dit touché par les marques d'affection, en particulier celles d'un homme qui lui avait écrit son admiration peu avant de décéder brutalement d'une crise cardiaque. A l'évocation de ce souvenir, le fil quasi ininterrompu de sa vie s'arrête, laissant la place à un regard humide et une voix s'éraillant légèrement. Fidèle à ses idées comme en amitié, Jean-Pierre Mérot est un personnage au caractère entier.
Séance d'information et assemblée générale de Choc électrique, jeudi 5 juin à 20h à Gland, salle de Montoly. Avec: Olivier Feller (conseiller national, PLR, VD, directeur de la CVI), Guy-Philippe Bolay (député au Grand Conseil vaudois), Roger Nordmann (conseiller national, PS, VD, président de Swissolar) et un représentant de la DIREN (direction cantonale de l'énergie).