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Un 3,5 pièces de 550m 2 dans la Dîme

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Propriétaire et architecte, Pierre Bouvier entame la mue du grenier bernois .

phcadoux@lacote.ch

Pierre Bouvier avait prévenu lorsque "La Côte" l'avait interrogé en décembre 2012 sur la manière la plus respectueuse de transformer la Dîme: "La bâtisse n'est pas faite pour un programme typique" . Quoique, aujourd'hui, "un 3,5 pièces c'est assez typique. Il n'y a que la taille des pièces qui change" , lance malicieusement l'architecte et propriétaire de l'ancien grenier bernois. Dans ce vénérable bâtiment du XVII e siècle, aux ouvertures nombreuses mais étroites, d'une superficie de 550m 2 (800m 2 en comptant les combles et les caves), Pierre Bouvier ne voyait que la solution d'un logement unique sous forme d'un loft pour assurer une réhabilitation à la fois confortable et adaptée à cette architecture.

L'option d'un appartement avec deux chambres avait déjà germé dans l'esprit du propriétaire alors qu'il se disait, pour une année encore, "à l'écoute" de la Dîme. Finalement, il connaissait déjà la conclusion: "Je suis quelqu'un de très ventral. J'ai beaucoup d'intuitions mais je ne peux pas m'en contenter, je dois passer par des biais intellectuels importants pour conforter cette première intuition" .

La "demande" de la Dîme contraint donc à ce que chacun des niveaux soit affecté à une pièce et quasiment à une seule affectation. Au sommet de l'escalier monumental de l'entrée, quelque 150m 2 seront dévolus à l'espace à vivre, soit salle à manger et salon. Les deux étages supérieurs comprendront chacun une seule chambre... toujours de 150m 2 ! L'ensemble de cette habitation, qui conservera son caractère authentique, sera traversé dans sa verticalité par deux modules résolument modernes. Ils comporteront, pour l'un, les sanitaires et salle de bains, et, pour le second, l'escalier. "Ces boîtes de métal et de verre ne limiteront pas l'apport de la lumière et donneront du rythme à cet intérieur en privilégiant des meubles en blanc, un parquet en chêne et des enduits à la chaux cirée. L'erreur à éviter dans ce projet est le cloisonnement, puisqu'il n'est pas possible d'agrandir les fenêtres existantes ou de créer des baies vitrées (ndlr, les Monuments et sites ont autorisé la pose de six velux en toiture). Il n'y aura pas de manque de lumière et toutes les pièces jouiront de l'ensoleillement toute la journée ", assure-t-il.

Cette question de luminosité avait amené les anciens architectes de la Dîme à soumettre des projets répondant aux attentes actuelles des clients, en particulier par la création d'ouvertures supplémentaires. Mais les critères stricts édictés par les Monuments et sites en auront découragé plus d'un. "J'ai senti les Monuments et sites soulagés par mon projet , témoigne Pierre Bouvier. L'architecte aime poser sa patte, mais ici l'âme du bâtiment est tellement forte que cela n'était pas nécessaire".

L'annexe mal-aimée... devenue indispensable

L'annexe était considérée comme une verrue, bonne à la démolition. Pour les Monuments et sites, il n'y avait aucune objection à ce qu'elle disparaisse. Elle aurait pu laisser la place à un bâtiment moderne, apportant un contraste, comme les boîtes de métal et de verre. Mais "il n'est pas évident d'articuler un ensemble harmonieux". Au final, cette annexe devient une pièce maîtresse dans la transformation. " Dans le bâtiment principal, il n'est pas aisé d'intégrer, sans nuire, les installations techniques et la ventilation pour la cuisine par exemple. L'annexe servira à cela" , avoue Pierre Bouvier qui revient ainsi sur son idée première. Cet appendice si mal-aimé revêt une importance capitale et, outre les locaux techniques, il abritera une vaste cuisine. Et servira également à la connexion directe entre le premier étage et le sous-sol, et entre l'habitat et l'extérieur, inexistante jusqu'ici. Dénué de toutes protections légales, il pourra s'offrir la possibilité de posséder deux larges baies vitrées donnant accès au jardin d'un côté et à une terrasse au nord.

A nouveau à vendre?

Pour le chauffage, il ne sera pas compliqué de garantir une température confortable à cette immense habitation. La contribution de chaleur par géothermie, l'inertie importante des murs épais d'époque suffiront. Les finitions seront très exigeantes, car aucune double cloison ne sera montée - ce qui aurait permis de dissimuler les fils et autres câbles-, "ici, on verra le mur tel qu'il est" . Ceux-ci seront cachés sous de larges plinthes. Comme les plafonds sont relativement bas, aucune autre solution ne s'offrait à lui. "Si les finitions ne sont pas à la hauteur, cela peut vite se transformer en massacre."

Une fois le chantier terminé, dans deux ans et demi, Pierre Bouvier va-t-il quitter son vaste château du Rosey, à Bursins, pour vivre dans son loft du XVII e siècle? "Je ne sais pas si je vivrai ici. Je ne sais pas ce que je vais en faire. Vais-je le vendre, le louer, y vivre. Pour moi, l'essentiel est d'en faire quelque chose de bien et de juste, comme si j'allais y habiter. Ici, je ne travaille pas pour un client mais pour cet édifice. Son avenir, c'est le bâtiment qui en décidera."

Malgré un investissement estimé de 2 à 3 millions de francs à l'issue des travaux, Pierre Bouvier ne se laisse pas emporter par l'angoisse de rentrer dans ses frais ou d'un bénéfice à réaliser à tout prix, alors que les biens d'exceptions ne se vendent que difficilement actuellement. "Je ne sais pas dans quelle situation je serai dans deux ans. Serais-je contraint de vendre pour des raisons financières? Aurais-je une proposition d'un acquéreur qui aurait un coup de coeur absolu? Ce que je vis actuellement est une situation similaire au château à Bursins, les banques ne m'ont pas suivi dans ces aventures. Je me suis débrouillé autrement et je me rends compte que dans ce type de démarche, ça a plutôt bien fonctionné. Si je dois me planter un jour, au moins j'aurai essayé. Je tente de prouver qu'on peut gagner de l'argent ou au moins rentrer dans ses frais en faisant les choses bien." A la revente, le propriétaire estime que le prix serait à 10 millions de francs au minimum, afin de rentrer dans ses frais...

Quoi qu'il en soit, les autorités de Duillier sont soulagées et la mise à l'enquête est passée sans opposition. "La Municipalité est heureuse de voir ce bâtiment revivre et ce sera magnifique , lance le syndic Jacques Mugnier. On a vu tant d'architectes, de renom aussi, avoir eu de la peine à faire aboutir leurs projets... Je crois que la différence avec Pierre Bouvier, c'est qu'il a pris le temps de réfléchir. Il y a, aujourd'hui, un résultat concret."


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