Près de 200 agriculteurs ont adhéré aux quatre réseaux écologiques entre Mies et Rolle, essaimant des surfaces naturelles par dizaine d'hectares.
"Dans ces régions couvertes par les réseaux écologiques, on y soigne le goût et le paysage" , a résumé Yves Bischofberger, géographe et consultant de chacun des quatre groupements d'agriculteurs qui couvrent l'ouest de La Côte. Du goût par la sauvegarde d'essences arboricoles indigènes, par exemple. Du paysage, par la reconstitution des bocages sacrifiés en masse ces dernières décennies au gré des remaniements parcellaires, notamment.
Pour mieux faire connaître la démarche à laquelle ont adhéré près de 200 producteurs terriens de Mies à Rolle, les quatre réseaux - Eco Terre Sainte, La Frontière, Nyon-région et le Coeur de La Côte - constitués entre 2008 et l'an dernier ont convié les élus de la région pour présenter les premiers résultats sur le terrain. Parmi les animateurs de cette fin d'après-midi de mercredi, hormis Yves Bischofberger et Sylvie Viollier, les deux spécialistes du bureau In Situ Vivo qui accompagne ces réseaux, on pouvait aussi croiser des agriculteurs qui, il y a peu encore, s'illustraient plutôt par leurs performances de production intensive que par leurs préoccupations écologiques.
Aires de compensation écologique à valoriser
"Il faut comprendre que cette action commune permet de valoriser les surfaces, 7% de nos domaines au minimum, que nous sommes contraints de consacrer à la compensation écologique si nous voulons prétendre à des paiements directs" , explique Pascal Ansermet, président du réseau La Frontière. Quitte à réserver des parcelles à des prairies extensives ou à des vergers à hautes tiges, pour autant qu'ils soient complémentaires à d'autres terrains du même genre pas trop éloignés si l'on veut que cela serve à la faune et à la flore."
Au gré des quatre réseaux de l'ouest du canton, la mesure la plus spectaculaire porte certainement sur le retour à grande échelle des prairies fleuries. "Ces types d'habitats essentiels pour de nombreux organismes vivants étaient menacés. En quelques années, leurs surfaces ont progressé de plus de 100 hectares" , souligne Sylvie Viollier. Et pour ce faire, pas question de recourir à des mélanges de semences uniformes et aux origines étrangères à la région. "Non, c'est bien plus simple que cela , commente Yves Bischofberger. Il a suffi d'identifier quelques prairies sources, de les faucher à maturité et de répartir ces herbes fraîchement coupées sur une nouvelle parcelle à ensemencer." Le résultat est impressionnant, car en deux ans seulement, la nouvelle prairie présente une densité et diversité remarquable. Elle devient ainsi une source de semences intéressante.
"Mais ces prairies ne servent pas qu'à faire joli et à sauvegarder certains insectes , relève Sylvie Viollier. Fauchées au rythme imposé par certaines espèces y résidant, elles constituent un fourrage fort apprécié, notamment par les chevaux que l'on trouve en grand nombre dans cette région."
Hormis les prairies, la préservations d'espèces fruitières menacées entre aussi dans les objectifs de ces réseaux écologiques. C'est ainsi que ces derniers temps, on a vu se dresser de nombreux jeunes arbres en bordures des champs. Entre Trélex et Givrins, ce sont les châtaigniers qui reprennent peu à peu leur place au bord de la chaussée.
Des châtaigniers typiques de Trélex
"Nous avons constaté que ce secteur recèle les plus vieux châtaigniers de la région et certainement de Suisse romande, remarque Yves Bischofberger. En reportant des rameaux sur des porte-greffes, non seulement, on améliore le paysage, mais on participe aussi à la conservation d'un patrimoine génétique propre à cette région."
De là à imaginer de nouveaux débouchés commerciaux pour ces châtaignes par exemple, il y a encore un grand pas. "Il faut être réaliste , estime Philippe Bory, agriculteur de Givrins participant au programme. Non seulement, il faudra attendre plusieurs années avant que ces arbres produisent de vraies récoltes, mais celles-ci resteront toujours dans des proportions modestes."
Ce n'est donc pas la commercialisation qui financera cette démarche ambitieuse qui prévoit le retour d'arbres par centaines dans nos contrées, mais bien des fonds publics. "Le lancement de l'opération et la constitution des dossiers initiaux se sont faits aux frais des agriculteurs, précise Pascal Ansermet. Ensuite, nous avons sollicité et obtenu le soutien des communes, du Conseil régional et du canton. Dans notre réseau La Frontière, nous avons même convaincu le Fonds suisse pour le paysage de participer à l'effort financier." Car reconstituer un verger à hautes tiges ou border le chemin des Noyers à Gingins d'arbres du même nom a un coût qui se chiffre en milliers de francs. "J'estime que la collectivité peut bien faire cet effort, les paysans nous mettent déjà leurs terres, leurs machines et leur savoir à disposition" , affirme Yves Bischofberger.
Ces derniers doivent toutefois y trouver leur compte, puisque 80% des exploitants terriens établis dans le périmètre couvert par les réseaux Eco Terre Sainte, la Frontière et le réseau de Nyon-région y participent. "Et de 7% de surface de compensation écologique requis par la loi, certains ont poussé cette proportion à 12%" , souligne Pascal Ansermet.